James Cotton
On dirait que la puissante harmonica de James Cotton est partout ces derniers temps. Un prix Grammy pour son album Deep in the Blues de chez Verve, élément important de sa collection de trophées, ainsi qu'une série de tournées le maintenant sur la route, la carrière de cette énergique légende du blues d'après-guerre de Chicago bénéficie d'une renaissance. Jouant de son harmonica gémissant sur le disque du blues rocker Kenny Wayne Shepherd, invité des émissions de verbiage télévisé de David Letterman et Conan O'Brien, traînant derrière lui des tonnes de prix, vous avez la chance de rencontrer James presque partout. Pas mal pour un gars qui a enregistré son premier disque comme leader en 1953.
Né à Tunica, au Mississippi, le 1er juillet 1935, le petit James s'amuse à imiter les animaux de la ferme avec son harmonica jusqu'à ce que ses oreilles captent les émissions de radio quotidiennes King Biscuit Time du légendaire Sonny Boy Williamson, sur la station KFFA de Helena, en Arkansas. Le garçon découvre tout d'un coup ce qu'il veut faire de sa vie. À l'âge de neuf ans, il rencontre son idole pour la première fois. Les deux développent aussitôt une grande amitié. « Comment moi et Sonny on s'est connu, c'est que mon oncle est arrivé et a pris le contrôle de la conversation », se rappelle James. « Cette chanson-thème qui jouait d'habitude lorsqu'il venait faire son tour à la station de radio KFFA à Helena, et bien, je me suis approché et je l'ai joué pour lui. J'ai joué chaque note sans faute. Il l'a remarqué. Il était obligé d'y porter attention. "Bien que Williamson, de nature irascible, ne montre pas vraiment à son protégé comment jouer de l'harmonica au cours des années qui suivent cette rencontre, James réussit à assimiler ses phrases typiques dans son jeu. « J'étais toujours à la station, à observer ce qu'il faisait », dit-il. « Il ne m'a pas appris beaucoup de choses. Je faisais juste le regarder parce que je voulais être exactement comme lui. Tout ce qu'il jouait, je le jouais aussi ».
À 15 ans, James hérite de la troupe de Williamson. « Sonny Boy me l'a donné », selon James. « Lui et sa femme, je sais pas ce qui s'est passé. Elle est partie pour Milwaukee, au Wisconsin, et on était à West Memphis, en Arkansas. Peut-être qu'après qu'elle soit partie pendant six ou sept mois, Sonny Boy en pouvait plus. Il est sorti un soir pour me donner le groupe, et le lendemain matin, il est parti ». James était trop jeune et insouciant pour maintenir la formation ensemble, : le circuit du blues de Memphis fourmillait de belles occasions pour un harmoniciste en herbe. Il joue avec Howlin' Wolf (lorsqu'un des deux était sur scène, l'autre surveillait les entrées, pour s'assurer que l'argent reste à sa place), puis, il forme un duo avec Pat Hare, guitariste au son explosif, James s'occupant en plus de la batterie. En fait, James joue la batterie plutôt que l'harmonica sur « Straighten Up Baby », la moitié de son premier 45 tours de 1953, sorti pour les disques Sun Records de Sam Phillips. Ses deux simples classiques sur Sun comprennent également « Hold Me In Your Arms » et « Cotton Crop Blues » des pièces au son cru.
En 1954, Muddy Waters débarque à Memphis, à la recherche d'un harmoniciste. La vie du jeune James ne serait plus jamais la même. « Ils avaient fait une tournée en Floride, en Georgie, au Mississippi », affirme James. « Je vivais à West Memphis, en Arkansas. Junior Wells était avec le groupe. Je sais pas ce qui lui est arrivé mais, Junior les a laissé là pendant la tournée. J'avais fait des disques pour Sun Records à Memphis, ils savaient que je vivais à Memphis. Sont venus me chercher ». Pendre la place de son illustre prédécesseur, Little Walter, n'est pas une chose facile. Muddy s'attend à ce que sa nouvelle recrue joue à la note près les solos de Walter. « C'est très frustrant, parce qu'on fait pas ce qu'on veut, on est quelqu'un d'autre », dit James. « Ça a été comme ça pendant six ou sept ans. Puis à un moment donné je lui ai dit, 'Hey bonhomme, je serai jamais Little Walter. Donne-moi donc la chance d'être moi-même». Mais Leonard Chess met un certain temps avant d'être vraiment à l'aise avec l'idée de permettre à James de jouer comme adjoint de Muddy sur disque; jusqu'à ce jour, Walter demeure aux côtés de Muddy pendant les sessions charnière chez Chess. Mais le puissant solo de Cotton sur l'étonnante version de « Got My Mojo Working », enregistrée en spectacle lors du Newport Jazz Festival en 1960, prouve hors de tout doute que James fait réellement figure unique.
Enfin, en 1966, le temps était venu pour James de faire cavalier seul. « J'aimais beaucoup Muddy, et je le respectais énormément », explique James. « J'ai fait tout mon possible dans cette aventure. Il fallait que j'essaie quelque chose de nouveau ». Il forme son propre groupe et part en tournée avec la ferme intention de prouver qu'il vaut son pesant d'or en tant que leader, son énergie aux proportions stratosphériques n'ayant pas son pareil même chez les grands noms de Chicago. C'est ce jeune et fougueux James qui est au centre et à l'avant-plan des albums de Justin Time. Secondé par le guitariste Luther Tucker, le pianiste Alberto Gianquinto, le bassiste Bob Anderson et le batteur Francis Clay, Cotton arrache une prestation à vous couper le souffle, enregistrée en spectacle à Montreal en 1967, aussi emballante que tout ce qu'il a produit en concert en tant que leader au cours de sa remarquable carrière discographique : un temps chez Verve (ses trois premiers longs jeux solo, notamment son premier album éponyme de 1967), Buddah (un temps pour son dévastateur album 100% Cotton sorti en 1974), Alligator (exemplifié par son époustouflant High Compression sorti en 1984 et une réunion au sommet en 1990, Harp Attack!, avec ses comparses, les géants de l'harmonica Junior Wells, Carey Bell et Billy Branch), Antone's (Mighty Long Time en 1991), puis chez Verve à nouveau, où il décroche un Grammy pour Deep in the Blues. Aujourd'hui, il est appuyé par un solide trio en tournée (le guitariste Rico McFarland, le pianiste David Maxwell et, au chant, un triumvirat en rotation composé de Darrell Nulisch, Joe Beard ou de l'harmoniciste Mojo Buford, ex-collègue du temps de Waters), James Cotton est toujours une force du blues qui impose le respect. De plus, il tire toujours les leçons qu'il a appris au cours des décennies comme harmoniciste pour le roi du blues de Chicago. « Une des premières choses que Muddy Waters m'a dit, c'est que si tu joues fort, tu joues fort pour cacher tes défauts », se rappelle James. « Si tu joues bien, t'es pas obligé de jouer fort ». Pour ce qui est de bien jouer, James Cotton n'a jamais eu de problème de ce côté-là."